不到长城非好汉
bú dào cháng chéng fēi hǎo hàn
不 : ne pas, 到 : atteindre, 长城 : la Grande Muraille,
非 : différent de, 好汉 : un homme brave.« Celui qui n’atteint pas la Grande Muraille n’est pas un homme brave. »
Aujourd’hui c’est mercredi. Le réveil sonne à 6h. Avec le Chti on se lève et s’habille rapidement. Nous sortons vite manger un gargantuesque petit-déjeuner occidental à Wangfujing. En effet aujourd’hui c’est du sérieux ! Aujourd’hui je vais arpenter de mes petits pieds menus la Grande Muraille ! Hors de question de flancher une fois dessus, il nous faut de l’énergie !
8h30, nous sommes au point de rendez-vous pour notre mini-bus. D’autres « caucas » attendent à côté de nous. Émilie, la guide, nous regroupe tous et sépare le troupeau en deux, entre « fun part » et « hiking one ». Je découvre que j’ai signé pour la « hiking one ». Je n’étais même pas au courant qu’il y avait un choix mais va pour hiking…
Mon groupe s’installe dans le mini-bus, qui dispose dans l’allée de strapontins pour les passagers supplémentaires. En Chine, on ne perd vraiment pas de place. C’est parti pour 3h de route, direction Jinshanling…
La Grande Muraille est LA fierté des Chinois, devant la Cité Interdite. Cette construction, dont les prémices datent de plusieurs siècles avant notre ère, parcourent (selon les mesures) de 6700km à 8 800km d’est en ouest. Elle a été construite par bouts successifs ou séparés, réunis, détruits, oubliés ou reconstruits et ceci jusqu’au 17ème siècle. La Grande Muraille ne forme donc pas un front unique, mais dans les faits plusieurs petites Grandes Murailles.
La Grande Muraille peut se comparer dans l’idée au Mur d’Hadrien, une frontière entre le monde civilisé et les barbares, entre l’Empire du Milieu et le reste du monde (mongols, turcs, …). Elle jouait avant tout un rôle dissuasif plus que réellement efficace contre les invasions. Les soldats communiquaient entre eux via des feux ou des tambours. Certaines portions ont également joué un rôle important dans le commerce et la rencontre des cultures puisque la Route de la Soie a emprunté parfois des portions de la Grande Muraille.
Les portions les plus touristiques de la Grande Muraille sont concentrées autour de Beijing, et dans la partie la plus récente construite (ou remise en état) sous le règne des Ming. Ce sont les sites de Badaling (le plus touristique), Huanghuacheng, Mutianyu, Simatai (actuellement fermé au public depuis 2010 pour réfection) et Jinshanling (8 tours rénovées, le reste en l’état).
Jinshaling est à 120km de Beijing vers le Nord-Est, construite à l’origine en 1368-1369 et remise en état entre 1567 et 1570 à l’initiative du Général Qi Jiguang. Sa place en fait un élément de défense de la capitale chinoise.
La guide continue de nous égrener quelques informations plus pratiques. La balade fait 10km, il est difficile de se perdre : c’est toujours tout droit, sauf une fois où il y a un cul de sac. In petto je me dis que ça tombe bien pour les pas doués de l’orientation comme moi ! Le seul risque étant de rater la sortie et dans ce cas de faire un tour plus grand que prévu de la Grande Muraille. L’altitude maximal que nous atteindrons sur notre parcours est de 991m, je sens que ça va monter…
Le bus s’arrête enfin après 3h de trajet, la guide nous distribue des bouteilles d’eau supplémentaires, il est midi, le soleil tape fort sur nos nuques. Elle nous mène jusqu’à la billetterie, nous indique la route à gravir pour arriver sur le mur, mur que l’on aperçoit déjà. Elle nous laisse sous la surveillance d’un guide local chargé de pousser les retardataires.
Il faut monter longtemps sur cette route pour arriver à la première tour, Émilie nous avait dit 10 minutes, j’ai des sérieux doutes ! Et je suis déjà crevée. Je suis une vraie aventurière de l’extrême, quelle honte !
Une fois arrivée sur le mur, mes douleurs aux genoux s’envolent. C’est juste magnifique. Aux alentours des montagnes et des crêtes verdoyantes, avec ce dragon de pierre les surmontant. Tout le monde s’arrête tous les deux pas pour faire des photos et pousse des cris d’admiration.
Progressivement, je commence à comprendre pourquoi Émilie insistait sur le mot « hiking », les marches de la Grande Muraille ne sont pas prévues pour être faciles et agréables. Certaines font la hauteur de mon genou et d’autres font juste 15cm de haut, le tout dans le même escalier. Les marches inégales, juste mortelles à monter ! Et cela fait déjà 3 jours que l’on marche 10h par jour, mes jambes protestent. Je commence à remettre en question mon non-choix. J’aurais du prendre la « fun one » avec les bébés en poussette, je vais mourir ici avec les millions d’ouvriers qui ont bâti cette muraille! Le Chti généreux porte nos deux sacs et tous les 100m je l’arrête pour boire et reprendre mon souffle en même temps qu’une photo.
Arrive la seconde partie de Jinshanling, non rénovée depuis 1570. Les escaliers inégaux sont toujours là, mais les marches elles sont en option. Je mets les pieds où je peux et je grimpe. Gare à la glissade, parce qu’ici, les murs sont partis avec les marches !
Finalement j’ai beaucoup de fun sur la « hiking one », je ris bien jaune en Chine. Comme lot de consolation le paysage à couper le souffle. Et lentement mais sûrement, dans les passages les plus raides à quatre pattes, j’avance. Au loin devant moi ma destination, au loin derrière moi mon point de départ…