« Les vents me sont moins qu’à vous redoutables.
Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu’ici
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courber le dos ;
Mais attendons la fin. »Le chêne et le roseau, Jean de la Fontaine.
Je peux râler, jurer, pester, soupirer, rouler des yeux exaspérée mais jamais, ô grand jamais, crier, protester, tempêter. En 5 ans de vie commune, le Chti ne m’a vu crier qu’une seule fois (sur des enfants qui mettaient Plume en danger). Autrement jamais une parole au-dessus de l’autre, il pourrait s’époumoner que le débit de mon petit filet de voix ne s’élèvera pas.
À cette impossibilité physique de crier, même si ma poitrine étouffe d’indignation, s’ajoute une maigre capacité à argumenter et à me faire comprendre. À croire que tout va trop vite dans mon esprit et que cela bouchonne à la sortie de mes lèvres en un bafouillage embrouillé et confus. Ceci sans compter mon formidable esprit de l’escalier : dans le feu de l’émotion, je suis toujours incapable de réfléchir posément et de répliquer intelligemment, le cœur emballé à folle allure.
Enfant, j’avais trouvé comme solution, pour résoudre les conflits, l’utilisation des poings et des dents. Après quelques claques bien placées aux matadors de la classe (il faut savoir rester féminine), je gagnais une année de tranquillité.
Aujourd’hui où je fais une tête de moins que tout le monde, suis costaude comme un petit doigt (et accessoirement suis sensée être devenue civilisée), je ne sais pas me défendre. Face à un reproche injustifié, j’essaye juste de me tenir droite face aux déferlements d’accusations, faible moyen de conserver un semblant de dignité. Cachant de mon mieux mes genoux qui tremblent de courroux, la rougeur d’humiliation qui monte à mes joues et les larmes qui s’accumulent à mes yeux, je bafouille bêtement et me ridiculise attendant de trouver un moyen de fuir.
Je suis encore furieuse que ce type m’ait touché, son discours et son argumentation ne tenaient pas debout et je le savais alors, comme je sais que c’est uniquement (et en toute objectivité) un vieux con (qui avait pris comme comparse un poivrot). Ne pas avoir su le lui prouver, ne pas avoir pu défendre ma position, ne pas lui avoir claquer son bec me rend folle de rage…