Trois petits entrechats, deux pas de valse, un piqué arabesque et tourne tourne Lucie la petite rat d’opéra du haut de son toboggan…
Près de chez nous, au milieu de la forêt, il y a un parc merveilleux, un parc magique qui ouvre sur un univers secret que seuls les enfants peuvent percevoir…
Le monde est cruellement injuste, même face au sommeil nous n’avons pas tous les mêmes chances : il y a celui qui dort comme une souche dès la tête posée sur l’oreiller et ronfle comme un tractopelle, puis il y a celui qui compte les troupeaux de moutons et se réveille brusquement et régulièrement dans la nuit sans aucune raison apparente.
Chez nous la répartition des rôles est très claire : je suis la bûche et le Chti est le pauvre hère qui décompte les minutes avec son réveil. Cela ne m’empêche pas pourtant d’être celle de corvée les nuits pour Lucie, et pour Plume avant. Mettre des croquettes, aller faire un biberon, bercer et rendormir bébé trente-six fois au creux de la nuit : pas de soucis !
Vous voulez connaître mon secret ? En réalité je ne me réveille pas ! Car si je m’endors très vite, je suis très très longue à émerger complètement et cela donne apparemment, les matins difficiles, un spectacle pitoyable qui fait toujours rire mon adorable et compatissant mari…Mon mari aka l’homme qui sait me mettre en valeur…
Cet homme est de pur mauvaise foi !
Nullipare, j’ai souvent entendu cette petite phrase : « tu ne peux pas comprendre, tu n’as pas d’enfant ».Alors une fois maman, je pensais naïvement enfin pouvoir comprendre ! Mais apparemment non !
Aussi je continuerai à vivre benoitement dans l’ignorance !
Une sieste partagée dans le creux de l’après-midi avec sa Lucie, une sortie par une belle journée d’été dans le jardin avec le pot de pomme-fraise servi sur place, une cachette sous un arbre pour observer Lucie et les autres enfants jouer, courir à mes côtés pour rentrer à la maison. Puis le caillot. L’arrêt cardiaque. La mort.
Oui c’était inévitable, oui il n’y a pas mort d’homme, oui c’était une belle mort sans souffrance, oui il a eu une belle vie, oui il y a dans le monde d’autres morts encore plus injustes, car oui la vie et la mort sont inextricablement liés et, après tout, je dois ma vie à un décès. Mais cela n’empêche qu’il va terriblement me manquer, que Lucie pendant longtemps le cherchera et me crèvera le cœur à chaque fois.
Je me disais justement qu’il fallait que je la filme en train de lui dire bonne nuit, c’est tellement mignon, que je refasse un article ou j’explique combien il est formidable avec elle, un vrai grand frère poilu.
J’ai tellement du mal à réaliser que c’est fini, pour toujours. La maison me semble déjà si vide sans lui. Je me sens si seule sans lui.
C’était 11 années formidables, 11 années ensemble durant lesquels il a vu la femme que je suis se construire.
Tu vas tellement me manquer mon Plume, ma bouboule, mon petit amour.
« Au revoir » *smack*
Dans les derniers jours des vacances, j’ai voulu emmener le Chti à Quimper visiter les ateliers de la faïencerie Henriot, cette grande maison d’art dont j’utilise au quotidien des objets depuis belle lurette.
Si la visite des ateliers a été intéressante, si la visite de la boutique a été comme Noël en milieu d’année pour la pourrie-gâtée par son Papa et sa Maman que je suis, elles ont été un peu longuettes pour la gentille Lucie que j’ai gardé dans mes bras tout du long. Mesure préventive dirons-nous, nous connaissons tous l’histoire de l’éléphant dans le magasin de porcelaine, je voulais éviter celle de la Lucie dans le magasin de faïence !Autant vous dire qu’à la fin, non seulement Lucie avait faim, mais elle avait surtout besoin d’une petite pause pour elle, à se défouler et jouer, avant d’enchaîner sur le musée de la faïence à côté.
Maman prévoyante, j’avais au préalable remarqué sur le plan de la ville que nous serions juste à côté d’un « jardin remarquable ». Aussi, bébé et son repas sous le bras, je m’y suis engouffrée bille en tête. Ce que je n’avais pas anticipé en revanche, c’est qu’en franchissant le pas de cette porte, j’allais réaliser un saut dans le temps qui me charmerait totalement !Le jardin du prieuré de Locmaria est, les apparences sont trompeuses, une œuvre très récente : il ne date que de 1997 ! Contrairement à l’église et au cloître que l’on aperçoit derrière ses murs qui remontent eux aux XIe et XVIIe siècles.
Construit dans l’esprit des jardins conventuels de la période médiéval, il reprend les codes des jardins du temps d’Anne de Bretagne : c’est-à-dire un jardin clos regroupant toutes les plantes utiles à l’humain (pour soigner, habiller, nourrir, pour le corps ou l’âme) dans un plan ordonné, mêlant symboliques sacrés et utilité profane.
Au cœur de cette longue bande de 1700m², le jardin marial (une tonnelle fleurie de roses blanches et lys) et, sous une pergola, la fontaine de vie dont l’eau vive coule en 4 points, rappel symbolique des quatre points cardinaux et des quatre fleuves du Paradis…
Toutes les plantes disposées dans des carrés bordés de bois, de plessis ou de pierres n’étaient pour Lucie qu’un immense terrain de jeu au milieu duquel elle pouvait courir librement… … ou se dissimuler en pouffant de rire…
Si elle s’est très peu arrêtée sur les panneaux pédagogiques ornant les parterres et nous indiquant les noms (parfois si imagés) des plantes d’alors, il y en a une qui a retenu son attention. La coïncidence était trop drôle pour ne pas être soulignée :
Mais de tous les jardin, c’est définitivement la rigole de la fontaine qui l’amusa incroyablement…
Elle allait d’un côté à l’autre de la rigole, se penchant pour toucher l’eau vive et tentant d’enjamber bravement le vertigineux gouffre à ses pieds…
C’est presque à regret que nous sommes repartis de ce jardin, mais le musée des faïences nous attendait !
Cela fait plus de 18 mois que Lucie est née (en réalité 19 mais j’ai mis un mois pour finaliser cet article) et j’ai aujourd’hui parfaitement endossé mon rôle de maman, ce statut qui me semblait si étrange les premiers jours. Je suis maintenant la maman aguerrie et entraînée d’une véritable petite fille. J’ai développé de nouvelles compétences insoupçonnées : je sais, au toucher, à quel stade de la poussée dentaire une gencive est, à l’odeur je connais d’avance la couleur du contenu de la couche, et d’ailleurs à la tête de Lucie je devine quand elle est en train de pousser (oui être mère c’est comme être enceinte : c’est glamour, surtout en photo !).
J’ai durant ces mois appris à relâcher la pression, à être beaucoup plus cool, j’ai appris à lui faire confiance tout simplement. Tant pis si cela demande de se casser le dos pendant deux mois, le temps qu’elle apprenne à marcher seule, tant pis si pendant des mois je dois l’accompagner dans son sommeil pour calmer ses peurs nocturnes, tant pis si elle ne mange pas équilibré tant qu’elle a suffisamment d’énergie, tant pis si elle est trop gentille face à des enfants agressifs, elle apprendra à se défendre plus tard. Pour le moment, je suis là pour elle et lui apprendre à être autonome.
Je ne serais jamais parfaite en tant que Maman, pas assez ci, trop ça, … Elle ne sera jamais une petite fille parfaite, pas assez ça, trop ci, … Par contre, elle sera toujours ma petite fille chérie et moi sa Maman.
Régulièrement on me conseille de « prendre plus de temps pour moi », que c’est « primordial pour mon équilibre personnel », que je ne dois pas « me perdre dans ce rôle » de maman. Parfois, j’avoue , oui j’ai envie d’une pause, de pouvoir aller aux toilettes sans qu’elle ne vienne me mettre de la crème solaire sur les genoux, de me coucher en sachant que la nuit sera sans réveils impromptus plus ou moins nombreux et/ou longs. Sauf que chaque jour Lucie grandit et gagne en indépendance, un jour elle partira sans se retourner, alors d’ici là je profite de tous les instants pour ne pas avoir de regrets plus tard. Elle est ce qui importe le plus aujourd’hui.
Et il faut reconnaître que la période actuelle est très sympa ! Elle est loin la couveuse de néonat’, la période des coliques inconsolables, la frustration d’un corps-prison ! Lucie profite de la vie de toute son énergie : elle court en s’émerveillant des fleurs, des animaux, des cailloux, bref de tout ce monde qui l’entoure ! Elle monte et redescend dans un ballet sans fin les toboggans, s’accroche farouchement à sa balançoire pour s’envoler un peu plus vers le ciel à chaque poussée, tourne sur le tourniquet à en perdre la tête et à en rendre malade les plus grands, dribble avec sa balle en la poussant de plus en plus loin, … Une vraie petite fille pleine de joie !
Si elle nous comprenait depuis belle lurette et obéissait à des ordres simples (« va chercher tes chaussures », « met ton chapeau », « range ton livre », …), depuis mai elle sait enfin se faire comprendre de nous, au-delà de « Papa » et « Maman ». Elle peut dorénavant nous dire « oui » (en hochant affirmativement des fesses) et surtout « non » (en secouant la tête et disant d’une petite voix ferme » ‘e veux pas »).
Elle n’a pas choisi la voix facile pour s’exprimer en se mettant aux phrases directement (« Papa viens m’ouvrir la porte », « après je veux faire ça », « Maman viens me voir ») au lieu de procéder mot par mot, cela tient encore pas mal du décryptage de linéaire A, mais elle qui était muette et très silencieuse, au point de surprendre les gens qui la rencontraient, sait maintenant se manifester.
N’allez pas croire que tout soit rose, si avec la chaleur elle s’est mise à demander « à boire » et à goûter l’eau, elle ne se nourrit que de son lait ou bien d’un yaourt nature Danone, de pain, de riz, de pâtes (de blé ou de légumes), de petit pois, de jambon, de tortilla, parfois d’une compote de fruits (de préférence fraise ou framboise). Mais pour nous, c’est déjà un progrès incroyable ! Et nous savons qu’un jour peut-être elle croquera gaiement de ses 14 dents la tomate qu’on lui présentera, ou ce morceau de banane, plutôt qu’aux Chocos® de Papa !
Le sommeil est un autre point noir, elle qui dormait si bien a perdu toute régularité avec la marche et les dents. Après avoir passé des nuits à la regarder s’entraîner à la marche pendant 3h dans notre couloir, je l’ai vu jouer pendant 3h dans sa chambre paisiblement au milieu de la nuit, puis se réveiller toutes les 2h en hurlant paniquée, puis de juste vérifier aux alentours de 4h que je suis toujours dans les parages avant de retomber dans le sommeil du juste. Dans tous les cas, je dois être maintenant présente dans un coin de sa chambre le temps de l’endormissement, pour la rassurer. Cela peut prendre quelques minutes comme deux heures.
Je n’ai plus décidé de lutter contre ce que certains appellent de « mauvaises habitudes », je pense qu’en lui laissant le temps, d’elle-même, elle prendra de « bonnes habitudes ». D’ici là je l’accompagne de mon mieux et savoure chaque petits cadeaux qu’elle me donne, sourit à la voir trépigner quand son père rentre, fond à la voir bisouter son chat chaque soir avant le coucher.